Table des matières

Coeur et rein

Epidémiologie

Environ 30 % des insuffisance cardiaque sont porteur d'une insuffisance rénale et environ 30 % des insuffisants rénaux présentent une insuffisance cardiaque associée 1). Il existe donc une intrication très fréquente entre ces deux pathologies.

La valeur de la créatininémie de base est associée à une élévation de la mortalité de manière quasiment linéaire 2). Ainsi présenter une créatinine de base à 250 µmol/l versus 90 µmol/l est aussi grave que un score NYHA 4 versus 1, avoir 79 ans versus 50, ou une FEVG < 20 % versus > 40 %.

Par contre la variation de la créatininémie après introduction du traitement cardiotrope dans l'insuffisance cardiaque n'est pas associée à une surmortalité. On sait ainsi que dans une population d'insuffisance cardiaque, la dégradation de la fonction rénale à l'initiation du traitement est associée à une amélioration de la survie au long cours 3). Cela se fait probablement par l'intermédiaire d'une hémoconcentration qui est associée à l'amélioration de la survie au long cours malgré une baisse du débit de filtration glomérulaire 4).

Ainsi il faut comprendre que le débit de filtration glomérulaire du résultat biologique est en fait la sommes de tous les débits de filtration glomérulaire de chaque néphron multipliés par le nombre de néphrons. Il faut donc différencié insuffisance rénale fonctionnelle d'organique, réversibles d'irréversible, liée à une variation du DFG versus baisse du nombre de néphrons 5).

Quand démarrer le traitement ?

Les études s'accorde à dire qu'on peut instaurer les traitements de l'insuffisance cardiaque pour des DFG > 15 ml/min pour les IEC, les i- SGLT2, globalement tous les autres à partir de 30 ml/min 6). À noter que la dapagliflozine réduit la mortalité cardiovasculaire et les décompensations cardiaques même pour des DFG < 25 ml/min 7).

Gérer les insuffisances rénales aigues

L'insuffisance rénale aiguë est définie à partir d'une variation de la créatininémie > 50 % par rapport au taux de base.

Dans l'insuffisance cardiaque elle est liée soit à une hypovolémie (diminution de pression de l'artériole afférente responsable d'une diminution du gradient de perfusion rénal) ou à une congestion (augmentation de la pression veineuse responsable d'une diminution du gradient de perfusion rénal). Ainsi la variation du DFG dans l'insuffisance cardiaque est liée non pas à une diminution du nombre de néphrons fonctionnels, mais une baisse du débit de filtration glomérulaire de chaque néphrons. Cette insuffisance rénale est donc réversible et fonctionnelle.

Ce qu'il ne faut pas faire. L'arrêt des traitements cardiotropes ou l'absence d'instauration des traitements cardiotropes est associé à une majoration de la mortalité. Il ne faut donc pas suspendre de manière brutale les traitements cardiotropes.

Ce qu'il faut faire. D'abord il convient de déterminer s'il existe une étiologie non cardiologique à cette insuffisance rénale aiguë. Ensuite il faut évaluer la congestion, la pression artérielle systolique, définir l'urée et le rapport urée / créatininémie, ainsi que la kaliémie. En cas de congestion il faut augmenter les diurétiques et envisager une restriction hydrique, en cas de déshydratation il faut diminuer les diurétiques et augmenter les apports hydriques, en cas d'hypotension symptomatique il faut d'abord suspendre les antihypertenseurs ne faisant pas partie du traitement de l'insuffisance cardiaque, et en cas d'hyperkaliémie il faut privilégier les résines échangeuses d'ions. Enfin il faut monitorer la biologie (sodium, potassium, urée, créatininémie), la clinique (poids et pression artérielle systolique), et organiser le suivi qu'il soit réalisé par une infirmière pratique avancée, le médecin généraliste, le cardiologue ou le néphrologue 8).

Bon pour le coeur, mauvais pour le rein ?

i-SGLT2

Les inhibiteurs du SGLT2 ont montré la diminution des MACE pour les patients présentant une insuffisance rénale à fraction d'éjection altérée : dans DAPA-HF, -26% 9) et dans EMPEROR-reduced -25% 10), ainsi qu'une diminution de la dégradation rénale et de la maladie rénale chronique : dans DAPA-CKD -44% d'évènements rénaux, -31% de mortalité toutes causes et une diminution de la pente de dégradation rénale par 3 associée à une entrée en greffe estimée à +11 ans 11) et dans empa-kidney une diminution des évènements rénaux de 29% et une diminution de la pente de dégradation rénale par 3 12).

ARN-i

L'Entresto a montré dans PARADIGM-HF une diminution des MACE de 20 % dans l'insuffisance cardiaque fraction d'éjection altérée, associée à une diminution de la pente de dégradation rénale par 1,4 13).

IEC

Les différentes études sur les IEC ont montré une baisse globale d'environ 20 à 25 % de la mortalité toute cause dans l'insuffisance cardiaque fraction d'éjection altérée : -27% pour l'ENALAPRIL 14), -19% pour le CAPTOPRIL 15), -27% pour le RAMIPRIL 16) et -22% pour le TRANDOLAPRIL 17). Dans ces différentes études on note une diminution de la pente de dégradation rénale, une diminution de la protéinurie, une entrée en greffe estimée à +5 ans.

Bêta-bloquants

Les bêtabloquants ont montré une diminution de la mortalité toute cause dans l'insuffisance cardiaque fraction d'éjection altérée : -33 % pour le BISOPROLOL 18), -33 % pour le METOPROLOL 19), -35 % pour le CARVEDILOL 20), et -22 % pour le NEBIVOLOL 21). Dans ses études, aucun impact rénal n'a été montré, ni en positif ni en négatif 22).

MRAs

Les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïde diminue la mortalité toute cause dans l'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection altérée : -30 % pour la spironolactone 23) et -15 % pour l'EPLERENONE 24). Dans ses études on a montré une petite dégradation de la fonction rénale initiale 25), et une dégradation de la fonction rénale peut-être un peu plus majorée 26).

Finerenone

La finérénone a montré la diminution de 14 % d'un critère composite composé de la mortalité cardiovasculaire, ou infarctus ou AVC ou hospitalisation pour décompensation cardiaque chez les patients diabétiques de type II associé à une maladie rénale chronique stade II à IV 27), résultats confirmés de l'étude Figaro-dkd 28) et dans le même temps a montré une diminution de la dégradation rénale dans la même catégorie de patients diabétiques de type II et insuffisance rénale chronique grade 2-4 29)

GLP-1

Le sémaglutide à la dose d'1 mg améliore le test de marche de 13 % chez les patients diabétiques porteur d'une AOMI 30), diminue de 23 % le risque d'événements cardiovasculaires par rapport au dulaglutide chez les patients diabétiques de type II en prévention secondaire 31), améliore de 24 % le pronostic rénale chez patient diabétique de type II porteur d'une insuffisance rénale chronique 32), et diminue de 26 % les événements cardiovasculaires chez patient diabétique de type II 33).

Le sémaglutide à la dose de 2,4 mg diminue les événements cardiovasculaires de 20 % chez les patients en prévention secondaire à l'IMC > 27 34). Il améliore la résolution de la stéatose hépatique de 28 % 35), améliore la qualité de vie chez les patients à l'IMC > 30 porteur d'une insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée 36).

Le tirzépatide améliore de 38 % le risque d'événements cardiovasculaires chez les patients porteurs d'une insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée et à l'IMC > 30 37). Il est non inférieure au dulaglutide chez les patients diabétiques de type II en prévention secondaire 38).

Conclusion

1)
Thomas Crépin. Syndromes cardio-rénaux. La Revue du Praticien Médecine Générale. Tome 30, numéro 968. Octobre 2016
2)
Pocock, Eur Heart J 2013, doi:10.1093/eurheartj/ehs337
3)
Testani, Circ Heart Fail, 2011, 10.1161/CIRCHEARTFAILURE.111.963256
4)
Testani, Circ, 2010, 10.1161/CIRCULATIONAHA.109.933275
5) , 8)
Mewton, ACVD, 2020, 10.1016/j.acvd.2020.03.018
6)
Beldhuis, Circ., 2022, 10.1161/CIRCULATIONAHA.121.052792
7)
Chatur, J Am Coll Cardiol., 2023, 10.1016/j.jacc.2023.08.026
9)
McMurray, NEJM, 2019, 10.1056/NEJMoa1911303
10)
Packer, NEJM, 2020, 10.1056/NEJMoa2022190
13)
Pontremoli, Eur Heart J – cardiovascular pharmacotherapy, 2021, doi:10.1093/ehjcvp/pvab030
16)
Effect of ramipril on mortality and morbidity of survivors of acute myocardial infarction with clinical evidence of heart failure. The Acute Infarction Ramipril Efficacy (AIRE) Study Investigators. Lancet. 1993;342(8875):821-828.
17)
Køber L, Torp-Pedersen C, Carlsen JE, et al. A clinical trial of the angiotensin-converting-enzyme inhibitor trandolapril in patients with left ventricular dysfunction after myocardial infarction. Trandolapril Cardiac Evaluation (TRACE) Study Group. N Engl J Med. 1995;333(25):1670-1676. doi:10.1056/NEJM199512213332503
18)
The Cardiac Insufficiency Bisoprolol Study II (CIBIS-II): a randomised trial. Lancet. 1999;353(9146):9-13.
19)
Hjalmarson A, Goldstein S, Fagerberg B, et al. Effects of controlled-release metoprolol on total mortality, hospitalizations, and well-being in patients with heart failure: the Metoprolol CR/XL Randomized Intervention Trial in congestive heart failure (MERIT-HF). MERIT-HF Study Group. JAMA. 2000;283(10):1295-1302. doi:10.1001/jama.283.10.1295
20)
Packer M, Coats AJ, Fowler MB, et al. Effect of carvedilol on survival in severe chronic heart failure. N Engl J Med. 2001;344(22):1651-1658. doi:10.1056/NEJM200105313442201
21)
Flather MD, Shibata MC, Coats AJ, et al. Randomized trial to determine the effect of nebivolol on mortality and cardiovascular hospital admission in elderly patients with heart failure (SENIORS). Eur Heart J. 2005;26(3):215-225. doi:10.1093/eurheartj/ehi115
22)
Kotecha, J Am Coll Cardiol, 2019, 10.1016/j.jacc.2019.09.059
23)
Pitt B, Zannad F, Remme WJ, et al. The effect of spironolactone on morbidity and mortality in patients with severe heart failure. Randomized Aldactone Evaluation Study Investigators. N Engl J Med. 1999;341(10):709-717. doi:10.1056/NEJM199909023411001
24)
Pitt B, Williams G, Remme W, et al. The EPHESUS trial: eplerenone in patients with heart failure due to systolic dysfunction complicating acute myocardial infarction. Eplerenone Post-AMI Heart Failure Efficacy and Survival Study. Cardiovasc Drugs Ther. 2001;15(1):79-87. doi:10.1023/a:1011119003788
25)
Rossignol P, Dobre D, McMurray JJ, et al. Incidence, determinants, and prognostic significance of hyperkalemia and worsening renal function in patients with heart failure receiving the mineralocorticoid receptor antagonist eplerenone or placebo in addition to optimal medical therapy: results from the Eplerenone in Mild Patients Hospitalization and Survival Study in Heart Failure (EMPHASIS-HF). Circ Heart Fail. 2014;7(1):51-58. doi:10.1161/CIRCHEARTFAILURE.113.000792
26)
Rossignol P, Cleland JG, Bhandari S, et al. Determinants and consequences of renal function variations with aldosterone blocker therapy in heart failure patients after myocardial infarction: insights from the Eplerenone Post-Acute Myocardial Infarction Heart Failure Efficacy and Survival Study. Circulation. 2012;125(2):271-279. doi:10.1161/CIRCULATIONAHA.111.028282
27)
Agarwal R, Filippatos G, Pitt B, et al. Cardiovascular and kidney outcomes with finerenone in patients with type 2 diabetes and chronic kidney disease: the FIDELITY pooled analysis. Eur Heart J. 2022;43(6):474-484. doi:10.1093/eurheartj/ehab777
28)
Pitt B, Filippatos G, Agarwal R, et al. Cardiovascular Events with Finerenone in Kidney Disease and Type 2 Diabetes. N Engl J Med. 2021;385(24):2252-2263. doi:10.1056/NEJMoa2110956
29)
Bakris GL, Agarwal R, Anker SD, et al. Effect of Finerenone on Chronic Kidney Disease Outcomes in Type 2 Diabetes. N Engl J Med. 2020;383(23):2219-2229. doi:10.1056/NEJMoa2025845
30)
Stride : Bonaca MP, Catarig AM, Houlind K, et al. Semaglutide and walking capacity in people with symptomatic peripheral artery disease and type 2 diabetes (STRIDE): a phase 3b, double-blind, randomised, placebo-controlled trial. Lancet. 2025;405(10489):1580-1593. doi:10.1016/S0140-6736(25)00509-4
31)
Reach
32)
Flow : Perkovic V, Tuttle KR, Rossing P, et al. Effects of Semaglutide on Chronic Kidney Disease in Patients with Type 2 Diabetes. N Engl J Med. 2024;391(2):109-121. doi:10.1056/NEJMoa2403347
33)
sustain-6 : Marso SP, Bain SC, Consoli A, et al. Semaglutide and Cardiovascular Outcomes in Patients with Type 2 Diabetes. N Engl J Med. 2016;375(19):1834-1844. doi:10.1056/NEJMoa1607141
34)
Select) : Lincoff AM, Brown-Frandsen K, Colhoun HM, et al. Semaglutide and Cardiovascular Outcomes in Obesity without Diabetes. N Engl J Med. 2023;389(24):2221-2232. doi:10.1056/NEJMoa2307563), données confirmées en vie réelle ((Score
35)
Essence
36)
Step HF-pEF : Arty F, Shreya D, Chaudhry A, Sohini S. Semaglutide in Heart Failure With Preserved Ejection Fraction: Emerging Evidence and Clinical Implications. Cureus. 2025;17(7):e87605. Published 2025 Jul 9. doi:10.7759/cureus.87605
37)
Summit : Packer M, Zile MR, Kramer CM, et al. Tirzepatide for Heart Failure with Preserved Ejection Fraction and Obesity. N Engl J Med. 2025;392(5):427-437. doi:10.1056/NEJMoa2410027
38)
Surpass CVOT